Emploi/loisirs : Confisquer les ciseaux d'Haruka et corriger les fautes sur le forum. Humeur : Bof bof, passable cependant. Messages : 1987 Âge : 25
| Sujet: Sujet d'invention, lycée. Mer 4 Mar 2015 - 17:58 | |
| Voilà voilà, je me suis dit qu'après tout, pourquoi pas poster ce sujet de DM qu'on a eu en français, comme ça, vous pourrez lire si vous n'avez rien d'autre à faire, ou voir un peu un sujet et la taille d'une écriture d'invention au lycée ;) Je vous rassure, la mienne est un peu longue, pas de beaucoup. Sur document texte, cela me fait 3 pages. Ayant une écriture très petite je ne suis pas un repère, mais je dirais que cela fait pour une écriture moyenne... allez, peut-être 6 ou 7 pages. Sachant que le minimum attendu est d'une copie double entière. Le sujet est le suivant : "Le texte de Vinaver est mis en scène par le club théâtre de votre lycée. Une dispute éclate entre l'élève chargée de jouer le rôle d'Hélène et celui en charge du rôle de Philippe : ils ne sont pas d'accord sur la façon de jouer cette scène. L'élève chargé de la mise en scène s'en mêle. Imaginez le dialogue qui oppose ces trois élèves." - Le texte à partir duquel le sujet a été fait:
Philippe, un adolescent de 17 ans, vit seul avec sa mère Hélène depuis que son père, cadre dans une grande entreprise, a quitté le foyer. Philippe a quitté l'école et il fréquente une bande de jeunes gens que sa mère désapprouve.
Hélène. - Mais est-ce que ce sont des amis ? Philippe. - Comment ça ? Hélène. - Oui ils ne te ressemblent pas je vais te dire je ne suis pas contente qu'ils aient une clé de la maison Philippe. - Je vais t'expliquer Hélène. - Quand je suis rentrée du bureau je les ai trouvés là installés Philippe. - Ah oui j'ai vu papa il m'a fait une grande leçon de socialisme il m'a raconté qu'il a fait ta connaissance par le socialisme Hélène. - Il aimerait tant te faire partager ses idées Philippe. - Tu y crois encore au socialisme ? Hélène. - Avant j'ai milité je suis pour la lutte contre les privilèges Philippe. - Lesquels ? Hélène. - Le pouvoir absolu des patrons Philippe. - Et lui c'est un patron qui commande ? pendant qu'il parlait j'entendais rien je regardais mon nez je peux plus le voir je le verrai plus Hélène. - Tu ne peux pas mettre en doute sa sincérité Philippe. - Il t'a abandonnée Hélène. - Ça ne marchait plus je suis plus heureuse maintenant c'est dur mais j'aime mon indépendance Philippe. - Mais tu l'aimes encore Hélène. - Ça n'a rien à voir tu ne vas pas retrouver tes copains ?
Michel Vinaver, Dissident, il va sans dire (1978)
- Partie 1:
"Oui, ils ne te ressemblent pas. Je vais te dire : je ne suis pas contente qu'ils aient une clé de la maison. -... -Qu'est-ce qu'il y a ? -Tu refais encore la même chose que tout à l'heure. Il faut suivre le texte, Camille ! -Je n'ai fait qu'une simple récitation de la réplique, pas une seule erreur, où me suis-je trompée ? -Dans la manière dont tu le dis. Tu vois bien que tu dois tout faire d'une traite, il n'y a pas de ponctuation ! -Ce n'est pas une raison pour faire une mise en scène inexpressive. Ce ne sont pas des robots qui parlent, mais des êtres humains, il y a forcément de l'intonation quand on s'exprime ! Et puis à moins d'aller très vite, les répliques sont trop longues pour être récitées comme une suite de mots les uns après les autres, sans lien entre eux. Il faut communiquer que le texte est compris, et transmettre les émotions au public, il doit pouvoir y croire. Or pour cela il est nécessaire de parler normalement, non comme une course comme tu le souhaites, pour être à bout de souffle à la fin, donner l'impression que ça n'a pas été travaillé et répété du tout, et que les personnes ne comprennent même pas ce qui est dit, par la mauvaise articulation et l'empressement de finir la réplique ! -Eh, calmez-vous tous les deux ! -Ah Mathieu, tu peux dire à cette tête de mule qu'elle a tort ? -Moins que toi Alexis. -Eh, rentrez vos griffes ce n'est pas le moment de se battre ! -Alors, ton avis ? Qui a raison et qui a tort ? -Tous les deux. -Pardon ?! -Oui, pas la peine de me répondre en même temps tous les deux. Laissez-moi au moins m'expliquer. -Eh bien vas-y, génie, toi qui a réponse à tout, et de manière spirituelle en plus... -Pas la peine de commencer à employer le sarcasme avec moi, tu sais bien que je ne m'énerve pas facilement. -Mais c'est qu'il est désespéré Alexis, alors tu comprends, il tente l'impossible... -C'est un club de théâtre ici, pas un cours de français, vous êtes donc tous les deux priés de réviser vos registres plus tard. Je ne vais pas vous interroger sur l'emploi de l'ironie ou que sais-je encore... -Bon, ça parle, ça parle, mais ça ne nous dit pas en quoi on a tort et raison. -J'y viens, seulement vous ne me laissez pas parler. -Eh bien vas-y, on t'écoutes là, c'est toi qui tournes autour du pot. -J'ai votre attention, c'est trop d'honneur. -Mathieu... -Oui, pardon Camille. Donc il est vrai qu'il faut respecter le texte. -Tu vois. -Mais ! Parce qu'il y a toujours un "mais", le but est aussi d'apporter sa propre version de l'oeuvre. Et vous n'êtes visiblement pas d'accord sur ce point. -Tu vois, alors il n'y a pas de souci si oralement je ponctue mes répliques. -Bah si, tu transformes le texte d'origine. Et puis dire le texte comme il est écrit apporte aussi notre vision : celle fidèle au texte, on le joue comme il a été prévu, et non en le modifiant, ce qui fausserait le ton qui y est attribué. Pas comme toutes ces adaptations de pièces, comme des tragédies classiques jouées avec des costumes appartenant à notre époque. Ça casse complètement l'oeuvre, on la fait à notre sauce alors que l'auteur l'avait prévue d'une manière bien précise. Ce n'est pas respecter sa pièce que de la modifier. Je reste sur ma position. C'est une manière de rendre hommage au dramaturge que de représenter la pièce comme il l'indique. L'interprétation que je propose est la meilleure, point. -Je ne crois pas. Moderniser une pièce est aussi une manière de la rendre plus accessible, et donc de faire passer le message à un plus grand nombre. C'est respecter la pièce que de permettre sa compréhension, non ? D'autant que je garde les répliques intactes, je veux juste que ça ait l'air naturel.
- Partie 2:
-Mais Camille... -Temps mort, je vous rappelle que je suis le metteur en scène. -Et tu ne nous aides pas beaucoup. Au contraire, à prendre des pincettes et ne pas oser dire qui a tort, tu nous confortes chacun dans notre opinion. -Oui, elle a raison. -Vous vous liguez contre moi maintenant ? -Non, ne rêve pas, juste que si c'est pour nous embrouiller avec tes histoires, tu peux retourner t'assoir, on s'en sortira mieux sans toi. -Sauf qu'en tant que metteur en scène j'ai mon mot à dire dans toute cette histoire, et je ne compte pas me taire à vous regarder faire les andouilles. Vous êtes une pièce comique à vous deux pour qui vous observe. Enfin bref, normalement c'est moi qui ai le mot final sur la manière dont vous devez jouer vos personnages. Et pour ça, il faudrait savoir ce que vous voulez. Déjà partons du début, non ? -Comment ça ? -Eh bien quel effet vous attendez. Qu'est-ce que vous vous imaginez produire sur le public ? -... -Parce que selon ce qui est voulu, ça ne va pas se jouer de la même façon du tout. -Il suffit de faire comme indiqué par le dramaturge. Je m'en fiche de la manière dont vous voulez jouer ces personnages, mais l'important est de respecter la façon dont s'est écrit. Et en l'occurrence c'est sans ponctuation. -Tu te trompes, on ne peut pas faire 36 000 interprétations en récitant le texte d'une même et unique manière. Sans la ponctuation, c'est plutôt un personnage indifférent, ou en tout cas très détaché de la réalité et distant avec les autres, se parlant un peu à lui-même, puisqu'il n'y a pas le temps de mettre le ton. Et surtout ce n'est pas dans le but d'informer ou même convaincre quelqu'un, plutôt un monologue intérieur du personnage, dont le public serait complice comme c'est la coutume. Pas vraiment une dispute donc, plutôt deux discours qui s'imbriquent et forment un tout, sans que ceux qui les prononcent cherchent vraiment à comprendre ou se faire comprendre. Avec de base la certitude qu'il ne sert à rien de raisonner l'autre, et une sorte d'acceptation de cette fatalité. -Ce n'est pas une tragédie classique je te rappelle... -Avec la ponctuation donc, merci de m'interrompre, cela donne un côté plus réel et moderne, et appuie l'aspect de la dispute familiale entre une mère et un fils, comme il est possible d'en rencontrer aujourd'hui. C'est déjà plus simple de faire quelque chose de vraiment illusoire, une simple translation au théâtre d'une situation quotidienne, puisque les répliques sont en prose, et c'est une pièce moderne. Impossible de nier que ça peut donner un échange beaucoup plus vivant et surtout virulent, vous pouvez vous permettre de crier. C'est un choix judicieux si les scènes précédentes sont assez calmes, pour éviter que le public ne s'ennuie, et capter son attention. Et ça met l'action en avant, car les spectateurs vont plus y prêter attention. Vous aviez réfléchi à tout ça avant ? -Pas vraiment. Mais tu ne fais que détourner le problème. Moi je suis pour une scène violente, c'est une dispute tout de même, il faut éveiller l'intérêt. -Mais les disputes sur un ton calmes sont les plus impressionnantes et inquiétantes. -Si on le fait sans ponctuation ça ressemble moins à une dispute, mais plutôt une discussion un peu tendue. -Et si c'était le but de l'auteur ? -Et si au contraire l'absence de ponctuation était là pour qu'on puisse interpréter de manière à faire une scène vraiment houleuse ? Et comme ça pas de point mis là où on mettrait un point d'exclamation. -Tu n'as pas écrit la pièce, donc tu dois la respecter ! -Sauf que les dramaturges ne sont pas des dieux. Pourquoi leurs textes ne seraient-ils jamais remis en question ? Mathieu ? On ne t'entend plus.
- Partie 3:
-Parce que j'essaye de voir comment régler le souci. Vous êtes tous les deux buttés et incapables d'ouverture d'esprit, ne serait-ce que pour réfléchir aux arguments de l'autre. Et si Michel Vinaver avait tout simplement fait un texte sans ponctuation pour laisser chacun libre de décider comment il prenait le texte ? Lui-même n'a peut-être pas une idée fixe et précise sur le ton à employer. Et c'est un choix intéressant, pour éviter de contraindre les acteurs à une unique façon de prononcer et s'approprier le texte. Chacun sa vision après tout, et on est tout aussi libres de prendre au pied de la lettre cette non ponctuation, bien que les questions soient tout de même présentées, que de placer nous-même virgules, points et points d'exclamation selon notre volonté. C'est ce qui me semble le plus probable après tout. Vous en pensez quoi ? -Oui, pas faux. Mais on en revient à la question principale : comment interpréter le texte ? Je suis pour une discussion posée mais Camille veut qu'on s'énerve. Toi, puisque tu es le metteur en scène et te vantes d'avoir le dernier mot, explique-nous donc et départage-nous. Il y en aura forcément un des deux qui ne sera pas content. -Tu ne vas pas être vexé et dire que tu refuses de jouer la pièce si tu dois mettre de la ponctuation Alexis ? -Et toi, commence déjà à travailler ton souffle, tu vas en avoir besoin. -Je te garantis que non. -Et moi que si. -Vous allez arrêter, oui ! Vous n'êtes fichus de parler calmement sans vous envoyer des piques. Non, au lieu d'essayer de résoudre la situation vous vous amusez à vous chercher l'un l'autre. Le temps passe je vous rappelle ! -Bah on n'attend que toi pour savoir comment la jouer cette scène ! -C'est ça, c'est de ma faute maintenant... Enfin bref, pour qu'une représentation soit réussie, il faut aussi qu'elle vienne du cœur. Je sais, c'est complètement cliché, cependant c'est vrai. Si vous n'y prenez pas plaisir, cela se verra, malgré tous vos efforts, et comment voulez-vous que le public puisse apprécier la pièce si même les acteurs ne sont pas dans ce qu'ils font, et ont l'air de vouloir être partout, sauf sur scène. Alors si chacun faisait ce qu'il voulait ? -Tu veux dire quoi par là ? -Bah faire des concessions, ça vous dit quelque chose ? Camille, tu n'as qu'à ponctuer ton texte, t'énerver si tu veux, et toi Alexis tu peux dire tes répliques sans ton. Ce qui donnerait une mère très émotive et inquiète, et un fils distant et étranger, comme vivant dans un autre monde, et ne souhaitant pas se disputer, car peut-être qu'au fond il en veut à sa mère, et ne veut plus vraiment avoir à faire avec elle, quitte à la laisser parler dans le vide. D'où une mère encore plus pressante peut-être, car elle voit que ses paroles n'atteignent pas son fils. Et désespérée elle le renvoie, ce qui colle avec la dernière réplique. -Oui, c'est pas une mauvaise idée. Alexis sera content parce qu'il peut respecter au point invisible près son très précieux texte. -Et elle elle pourra revisiter totalement la scène. -J'en donne mon interprétation, c'est pas pareil. Et franchement, tu es idiot, il faut savoir réfléchir, pas toujours suivre méticuleusement ce qui t'est dit ou marqué. -Mais je réfléchis. Et il faut aussi parfois savoir être réaliste et dire que ce qui a été fait est bien, au lieu de toujours penser qu'on peut faire mieux que les autres. Je te ferais remarquer que j'en donne mon interprétation aussi, fidèle au modèle. Beaucoup de pièces sont encore jouées en costumes d'époque et ont toujours autant de succès. -Et d'autres sont modernisées, rafraîchies, et ça passe tout aussi bien. Pourquoi crois-tu que les metteurs en scène sont là s'il n'y avait pas la possibilité de jouer une pièce de plusieurs manières différentes, n'est-ce pas ? -Ah non, je ne prends partie pour aucun de vous deux, je ne veux pas être mêlé à vos gamineries. Bien, le souci est réglé maintenant non, on peut reprendre ? -Pour moi oui. -Idem. -Enfin, c'est super ! Bon, on recommence la scène, et vous avez intérêt à vous tenir à carreaux... -Bien chef ! -Oui mon commandant ! -C'est ça, fichez-vous de moi, je ne dirai rien surtout... Allez, en place !"
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